Cecité spirituelle des juifs et nycticorax

Cecité spirituelle des juifs et nycticorax. Voir article de Véronique Plesch dans les “Avis”.

Bestiaire. S. XIII.

BnF,  Français 14969, f. 12r.

 

Category:
Auteur

Guillaume le Clerc

Pays de création

France

Pays d'Exhibition

France

propriété intellectuelle

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8979h?rk=21459;2, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10020145j/f29

Siècle

XIII

type de discrimination

Antisémitisme-Autres

Reviews

  1. Véronique Plesch


    Notice rédigée par Véronique Plesch.

    Cette illumination apparaît dans un manuscrit du XIIIe siècle qui contient le texte d’un bestiaire versifié écrit aux alentours de 1210 par Guillaume Le Clerc de Normandie. L’illumination apparaît au folio 12 recto d’un manuscrit enluminé en Angleterre vers 1265–70 (BNF ms fr 14969) dont Xénia Muratova relève l’excellente qualité. Ce qui distingue cet exemplaire du livre de Guillaume Le Clerc, c’est la présence d’une illumination supplémentaire. À la représentation de l’animal présenté dans le texte, s’ajoute en effet une image qui représente la signification allégorique de l’animal (la Bibliothèque Nationale de France possède deux autres manuscrits contenant ce texte où l’on trouve seulement une image de l’animal). Ce qui est remarquable dans ce manuscrit, c’est que la « miniature moralisante est placée d’abord, avant le texte sur un animal : c’est elle qui anticipe et préfigure le récit, en lui donnant une importance particulière. Ce n’est qu’après . . . que viennent et l’histoire même, et la miniature, illustrant la description d’un animal, et la moralisation textuelle. » (Muratova, p. 143). L’animal qui occupe le bas de la page est le nycticorax, dont le nom signifie en Grec « corbeau de la nuit » (Hippeau, p. 98) et qui est traduit par « hibou ». (Le nom latin désigne aujourd’hui des oiseaux nocturnes de la famille des hérons.)

    Le “nycticorax” que l’on voit en bas de page, est d’une couleur sombre et il s’oppose à l’oiseau qui apparaît dans l’autre miniature : le Saint Esprit, représenté selon la tradition comme une colombe blanche. Dans cette image, on voit à l’extrême gauche un ange (peut-être Gabriel, dans une pose qui rappelle l’Annonciation). Une figure qui tient un livre fait face à l’ange : il pourrait s’agir de la Vierge Marie ou bien de Saint Jean l’Evangéliste. On trouve ensuite des apôtres : celui qui tient une épée est sans doute Saint Paul et à côté de lui, reconnaissable par sa calvitie et sa courte barbe blanche, Saint Pierre. Derrière eux, un halo indique la présence d’une autre figure sainte. Les personnages tournés vers l’ange sont inspirés par le Saint Esprit (que l’on associe à la raison). A la droite de l’image, on voit un groupe de juifs identifiés par leur « pileum cornutum » ou châpeau pointu). Le premier, qui tourne le dos aux apôtres et au Saint-Esprit, a les yeux bandés. Ce motif, dont est souvent affublée la Synagogue, représente bien entendu la notion de cécité spirituelle, l’incapacité pour les Juifs d’avoir « vu », c’est-à-dire reconnu le Christ. A l’extrême droite de l’image, s’opposant à l’ange, il y a un diable.

    Le texte du Bestiaire de Guillaume est disponible en version numérique sur Gallica, dans les éditions de Célestin Hippeau de 1852 et 1877. Le chapitre VII est consacré au nycticorax qui mentionne que c’est un « oiseau sale et puant » qui vit de nuit. Il représente les juifs qui eux aussi aiment les ténèbres et se refusent à être « enluminez » (pp. 210–211, vv. 601–642). Notons que dans ce texte, d’autres images communiquent également un message antisémite, comme c’est le cas pour la hyène (voir Strickland, p. 63).

    Références

    Hippeau, Célestin, éd., Le Bestiaire divin de Guillaume Clerc de Normandie trouvère du XIIIe siècle, publié d’après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale, Genève : Slatkine Reprints, 1970.

    Muratova, Xénia, « Les miniatures du manuscrit Fr. 14969 de la Bibliothèque Nationale de Paris (Le Bestiaire de Guillaume Le Clerc) et la tradition iconographique franciscaine », Medievalia 28: 3-4 (1978) : 141–148.

    Strickland, Debra Higgs, « The Bestiary and the Hereford Map (c. 1300) », in Maps and Travel in the Middle Ages and Early Modern Period: Knowledge, Imagination, and Visual Culture, éd. Ingrid Baumgärtner, Nirit Ben-Aryeh Debby et Katrin Kogman-Appel. Berlin: De Gruyter, 2019. 37–73.

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